Alors que Berlin peine à trouver un accord budgétaire, le taux d’intérêt des Bunds continue à augmenter

Het voormalig checkpoint Charlie in Berlijn. Foto via Unsplash.
Het voormalig checkpoint Charlie in Berlijn. Foto via Unsplash.

Le taux d’intérêt des Bunds augmente, alors que l’accord budgétaire projeté par Friedrich Merz peine à se concrétiser. Les investisseurs suivent de près le dossier.

Friedrich Merz et son parti (l’alliance CDU/CSU) ont déjà fait part de leur intention d’assouplir les règles strictes en matière de dette pour permettre des investissements de plusieurs milliards dans la défense et les infrastructures. Vendredi matin, le SPD, la CDU/CSU et les Verts sont convenus de souscrire jusqu’à 500 milliards d’euros d’emprunts.

Immédiatement après que M. Merz a dévoilé ses projets, il y a de cela deux semaines, les taux d’intérêt des Bunds ont connu la plus forte hausse en une journée depuis les années 1990, avec un bond de 30 points de base. Simultanément, le taux d’intérêt des Bunds à 10 ans a continué sa progression, pour atteindre environ 2,9 %.

Plus forte augmentation hebdomadaire depuis les années 1990

Variation du rendement des obligations d’État allemandes à 10 ans

Les investisseurs obligataires subissent des pertes, mais les nouveaux investisseurs sont impatients de saisir les opportunités qui s’offrent à eux. Laura Cooper, stratégiste macroéconomique chez Nuveen, juge les obligations allemandes « attrayantes ». Elle souligne la situation financière solide de notre voisin et le potentiel de croissance économique accrue. Des taux d’intérêt plus élevés seraient, de ce fait, plus faciles à supporter.

Mme Cooper s’attend à ce que les taux d’intérêt allemands augmentent encore légèrement, peut-être jusqu’à 3,1 % d’ici la fin de l’année, du fait des émissions d’obligations plus nombreuses. Mais même les taux d’intérêt actuels lui paraissent suffisamment attractifs. De toutes les obligations d’État des économies développées, les Bunds allemands sont ceux qui offrent aujourd’hui l’un des rendements les plus élevés, surtout exprimés en dollars.

« Les investissements européens risquent de provoquer une surchauffe de l’économie. »

Kaspar Hense, RBC Bluebay Asset Management 

Kaspar Hense, gestionnaire de portefeuille chez BlueBay Asset Management, parle d’une « valorisation juste » aux alentours de 3 %, mais met en garde contre un excès d’optimisme. Bien que les investisseurs puissent à nouveau s’attendre à un rendement plus élevé, M. Hense souligne que les fondamentaux sont peut-être moins positifs que les investisseurs ne le pensent.

« Les investissements européens risquent de provoquer une surchauffe de l’économie. Les investisseurs feraient dès lors mieux d’acheter des actions, car les taux d’intérêt pourraient augmenter de manière significative par rapport aux niveaux actuels », ajoute-t-il.

Risques

Contrairement à l’opinion dominante sur le marché, selon laquelle la hausse des taux d’intérêt indique une amélioration des perspectives économiques, certains économistes suggèrent qu’elle révèle plutôt la préoccupation des investisseurs concernant l’augmentation des obligations allemandes sur le marché. Friedrich Heinemann, économiste à l’université de Heidelberg, souligne que la hausse des taux d’intérêt affecte directement l’Allemagne en rendant les emprunts plus coûteux. Il considère que des prêts supplémentaires ne sont défendables que s’ils stimulent réellement la croissance économique.

« Si emprunter ne fait que retarder les réformes, l’Allemagne risque de se faire plus de mal que de bien ».

Friedrich Heinemann, Université d’Heidelberg

Les plans de dépenses de la coalition SPD-CDU/CSU le laissent particulièrement sceptique. Selon lui, les nouvelles subventions et les pensions plus élevées que ces partis proposent n’augmenteront pas le potentiel de croissance de l’Allemagne.

Le président de la Bundesbank, Joachim Nagel, a averti cette semaine que si la dette résout les problèmes à court terme, elle génère par la suite de nouveaux défis. M. Heinemann redoute quant à lui que l’augmentation du niveau d’endettement ne retarde encore les importantes réformes que l’Allemagne doit engager en matière de sécurité sociale, de réglementation et d’efficience publique. « Si emprunter ne fait que retarder les réformes, l’Allemagne risque de se faire plus de mal que de bien », prévient-il.

Effets sur la zone euro

Si la stabilité financière de l’Allemagne n’est pas directement menacée, la hausse des taux d’intérêt allemands entraîne une augmentation des coûts de financement dans toute l’Europe. Sylvester Eijffinger, professeur émérite d’économie financière, pense que cette hausse incitera d’autres pays européens à dépenser davantage. Le débat sur les obligations européennes communes pourrait s’en trouver relancé, et le pacte de stabilité et de croissance, déjà bien faible, encore plus miné. « Ces règles sont pratiquement enterrées », affirme-t-il.

Le fait que l’Allemagne puisse sans doute faire face facilement à ces taux d’intérêt plus élevés et ces dépenses supplémentaires ne change rien à l’impact plus large sur l’Europe. Selon lui, ce n’est pas l’Allemagne qui présente le véritable risque, mais des pays comme la France et l’Italie, dont les finances publiques sont moins solides.
M. Eijffinger souligne que, grâce à des années de politique budgétaire stricte, l’Allemagne dispose d’une marge de manœuvre suffisante pour absorber l’augmentation des coûts de financement. Selon lui, il est donc « très invraisemblable » que les taux d’intérêt baissent à nouveau prochainement.

Chris Turner et Francesco Pesole, stratégistes chez ING, sont du même avis. Ils considèrent que la hausse actuelle des taux d’intérêt n’est pas temporaire, mais structurelle. Ils prévoient que les taux d’intérêt pourraient rester durablement au-dessus des 3 %, ce qui laisse entrevoir une nouvelle réalité pour les marchés obligataires.

Des opportunités ailleurs

Nuveen considère même l’augmentation des taux d’intérêt dans la périphérie européenne comme une chance. Il en va d’autant plus ainsi que le spread entre les obligations allemandes et italiennes se réduit. Le resserrement du spread signifie que les investisseurs demandent une compensation relativement moindre pour le risque de la dette italienne, ce qui témoigne de la confiance dans la stabilité financière au sein de l’Europe.

Mme Cooper considère le segment intermédiaire du marché obligataire italien comme un investissement intéressant. Selon elle, les intérêts plus élevés sur ces prêts compenseraient largement les éventuels risques liés à l’augmentation des différentiels de taux d’intérêt qui résultent de conflits commerciaux.

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