Investissement

Gino Delaere d'Econopolis : « Les 10 prochaines années seront meilleures pour les pays émergents »

Gino Delaere, Econopolis

Depuis Singapour, Gino Delaere (photo) surveille les marchés émergents pour Econopolis. Si les dix dernières années n’ont pas été particulièrement brillantes pour cette classe d’actifs, Delaere voit la lumière au bout du tunnel. 

Delaere souligne que nous devons avant tout placer les choses dans une perspective historique. « En effet, ces dix dernières années, c’est-à-dire entre 2010 et aujourd’hui, n’ont pas été extraordinaires pour les marchés émergents. Mais si nous regardons la décennie qui a précédé, entre 2000 et 2010, la situation est très différente. Durant cette période, les marchés émergents ont fortement surperformé les marchés développés (Europe et États-Unis), ce qui était dû à plusieurs raisons. En 2001, la Chine a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce, ce qui a bouleversé l’économie mondiale. C’est en partie à cause de cela que nous avons vécu les années de gloire de la mondialisation. En 1997-1998, les bases de la hausse ultérieure ont d’ailleurs été jetées dans différents pays d’Asie, grâce à la mise en œuvre de diverses réformes majeures. Au cours de cette période, nous avons également connu une solide hausse des matières premières, ce qui a bien évidemment été favorable pour les balances commerciales des pays exportateurs de matières premières et leurs monnaies. »

Extrapolation

Delaere souligne que depuis 2010, les investisseurs ont commis une erreur classique : ils se sont mis à extrapoler la bonne performance des marchés émergents. « Tout le monde pensait alors que les marchés émergents seraient infiniment plus performants que les marchés développés, mais un certain nombre de facteurs fondamentaux ont ensuite été inversés. Le dollar a commencé à se renforcer et, en 2013, le président de la Fed de l’époque, Bernanke, a fait allusion à une ‘taper tantrum’, une agitation anxiogène. En 2015, le renminbi chinois a été dévalué, et l’Inde a procédé à une démonétisation invalidant certains billets de banque. Aux États-Unis, il y a également eu l’élection de Trump, qui a mené ces dernières années une guerre commerciale contre la Chine. La période de 2010 à ce jour a donc effectivement été le reflet miroir de la décennie qui l’a précédée. Depuis lors, les marchés développés, avec les États-Unis en tête, ont nettement surperformé les marchés émergents au niveau des actions. »

Hong Kong

Un autre élément qui a érodé la confiance des investisseurs a été les événements de Hong Kong, qui, bien qu’il s’agisse d’un marché quasi développé, est une plaque tournante très importante dans la région. Delaere : « Pour moi, Hong Kong n’est pas vraiment un cygne noir. Comme je l’écrivais déjà dans une note interne de juillet 2015, les prix très élevés de l’immobilier dans la ville et la proposition chinoise de changer le système électoral avaient provoqué beaucoup d’insatisfaction parmi la population. Cependant, je ne m’attendais pas à ce que la contestation soit aussi violente. Mais j’ai entendu dire par des contacts dans la région que pratiquement tout le monde a continué d’aller bureau tous les jours, ce qui montre que les Hongkongais sont particulièrement résistants. »

Amélioration en vue ?

Delaere : « Tout comme il y a dix ans, chacun a extrapolé les facteurs positifs au futur, chacun le fait aujourd’hui avec les facteurs négatifs. L’expérience m’a appris qu’un point de basculement peut être proche. »

Fonds

Dans le fonds d’actions des marchés émergents que Delaere gère depuis Singapour, il met fortement l’accent sur le développement durable et les marques fortes (challengers mondiaux). « Ce sont pour nous les fers de lance du fonds, qui nous permettront de surperformer à long terme. Le jeu est un exemple de secteur disruptif. Nous avons maintenant investi plus que la moyenne dans ce secteur par l’intermédiaire d’une société, NCSoft en Corée du Sud. Un autre exemple, une entreprise qui a complètement bouleversé le secteur du café, est Luckin Coffee. À l’époque, il avait fallu dix ans à Starbucks pour ouvrir 1500 cafés en Chine. Luckin Coffee l’a fait en seulement dix mois.

Les Global Challengers de notre portefeuille sont des marques fortes qui pourraient éventuellement devenir des leaders mondiaux. Citons par exemple Anta, qui développe des équipements sportifs, TSMC, qui conçoit des semi-conducteurs, et Yandex, le Google russe. » 

Haute conviction

Delaere souligne que le fonds qu’il gère est à haute conviction. « Nous avons actuellement environ 40 lignes dans le portefeuille. Quand on sait que l’univers compte environ 800 noms au niveau de l’indice, il est logique que nous ayons une part active élevée. Nous sommes bottom-up, mais avons un certain macro top-down overlay, ce qui garantit que nous avons ignoré des pays comme la Turquie et l’Argentine dans le volet actions. »

Concertation 

Delaere souligne également qu’il se concerte énormément avec ses collègues en Belgique. « Je fais un Skype chaque semaine avec mon collègue qui gère notre fonds patrimonial flexible. Depuis Singapour, nous fournissons en effet également un input et des recherches pour les obligations d’entreprises. Nous avons donc une approche intégrée. Dans le volet actions, cela représente jusqu’aux trois quarts des positions en Asie, alors que dans le volet obligations, nous avons nettement moins d’émetteurs asiatiques. Le volet actions et obligations de l’EM Patrimonial Fonds est donc complémentaire, comme vous pouvez le voir ci-dessous : 

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