Un avenir difficile attend les gestionnaires d’actifs qui n’optent pas pour un modèle commercial marqué, déclare Hugo Lasat, CEO de Degroof Petercam Asset Management, lors d’un entretien avec Investment Officer. Un autre point important à prendre en considération est la numérisation rapide du secteur. « Personne ne sait où elle mènera, mais il faut pourtant l’anticiper dès maintenant. »
Le secteur financier belge est très agité sous l’influence de la règlementation européenne. La transparence accrue met la pression sur les frais de gestion et revenus des gestionnaires d’actifs. La gestion passive est en progression, et le nombre de clients qui optent pour une gestion discrétionnaire augmente de façon exponentielle afin de réduire les coûts. Selon Lasat, tous les acteurs devront choisir leur camp s’ils souhaitent se maintenir dans ce monde en pleine évolution.
« Je suis intimement convaincu qu’il faut faire un choix si l’on ne veut pas perdre. Faire connaître sa valeur ajoutée au monde extérieur est une chose qui prend toujours plus d’importance. Les choses risquent d’être compliquées pour les gestionnaires d’actifs qui utilisent ce qu’on appelle des modèles hybrides, semi-actifs et un peu passifs. Ce en quoi je crois encore bel et bien, ce sont les acteurs qui se spécialisent dans une niche. »
L’industrie sous-estime la recherche
En tant que gestionnaire actif classique axé uniquement sur le long terme, Degroof Petercam Asset Management (DPAM) se concentre spécifiquement, outre les actions et obligations, sur les stratégies multi-actifs et l’investissement quantitatif. La durabilité et la recherche constituent le fil rouge de chaque activité du gestionnaire. Cette année, lors du Fund Award belge organisé par De Tijd/L’Écho, DPAM a remporté le prix du meilleur gestionnaire dans toutes les catégories. Cette analyse incluait également des gestionnaires d’actifs internationaux. Lasat est convaincu que l’accent mis sur la recherche propre a joué un rôle dans ce résultat.
« Les analystes ne sont pas une source de dépenses, au contraire. La valeur ajoutée des recherches propres est considérablement sous-estimée dans ce secteur. Nous voulons être autonomes, et nos analystes n’ont que deux missions : d’une part, partager leurs bonnes idées avec nos gestionnaires de fonds et de portefeuilles et, d’autre part, faire office de consultants pour les gestionnaires. Bien entendu, nous utilisons aussi la recherche effectuée par des parties externes, personne ne détient toutes les réponses. Les décisions internes restent cependant toujours déterminantes dans nos processus. »
Classes d’actifs alternatifs : restons vigilants
Dans les conditions de marché actuelles, la quête de rendement pousse de nombreux investisseurs vers des classes d’actifs alternatifs, ajoute Lasat. Certes, le patron de DPAM voit de nombreux avantages dans les possibilités presque inépuisables du monde des investissements actuel, mais il met toutefois en garde contre certains pièges :
« Là encore, chacun devrait s’en tenir à ce qu’il sait faire. Je trouve quelque peu préoccupant que tout le monde, au sein de notre industrie, fasse la même chose au même moment. Cela n’a pas nécessairement une bonne influence sur les estimations de valeur ou le rendement futur. »
Selon l’investisseur, les fonds spéculatifs sont sont abandonnés après des années de résultats décevants. Même le secteur du private equity, toujours d’après lui et en raison de la gigantesque quantité d’argent qui a été pompée par l’activité, ne devrait pas être en mesure de réaliser ses objectifs en matière de rendement.
Lasat poursuit : « Nous observons un afflux en infrastructure, prêts à effet de levier, leasing d’avions, private equity et autres classes d’actifs alternatifs. Là encore, on recommande la prudence. Pour le private equity, par exemple, environ dix milliards dans le monde attendent actuellement d’être investis. C’est gigantesque. Cela pourrait bien signifier que le rendement futur ne sera plus comparable à celui d’aujourd’hui. »
Investissements financiers ou fiscaux
En Belgique même, Lasat note que le cadre règlementaire belge comme européen influence toujours plus les décisions de placement, ce qui, selon lui, occasionne un rétrécissement de l’offre.
« La règlementation oblige l’investisseur final à entrer dans un certain profil, et les fonds diversifiés et équilibrés prennent donc plus d’importance. On constate en outre, en raison de la taxe boursière, un intérêt croissant pour les fonds mondiaux. Ceux-ci bénéficient d’un traitement fiscal plus efficace que lorsqu’on compose une seule et même exposition à partir d’une dizaine de fonds différents. C’est dommage, mais c’est comme ça. »
Il observe également un marché en forte croissance pour les fonds créés spécialement pour les clients institutionnels. Un phénomène qui profite à DPAM, le gestionnaire étant un acteur fort en matière institutionnelle. « Le cadre règlementaire est actuellement favorable à la création de fonds spéciaux pour les institutions. Le contenu de ces fonds est très diversifié, mais les fonds quantitatifs – avec notre expertise spécifique en finance comportementale – et communs se portent particulièrement bien. Je vois aussi une tendance à la hausse pour les stratégies à rendement absolu, et la demande pour une expertise des actions reste forte. Bien sûr, la tendance est à tout ce qui est durable et socialement responsable, il s’agit d’ailleurs d’une tendance à long terme, dans laquelle DPAM a de l’expérience depuis 2002. »
L’inconnu numérique
Le patron éprouve « un intérêt tout particulier » pour les évolutions en matière de numérisation, qu’il décrit comme une grande priorité au sein du management sénior de DPAM. Le gestionnaire de fonds dispose d’un groupe interne d’experts qui suivent scrupuleusement chaque nouvelle évolution.
« Les nouvelles technologies vont avoir un énorme impact, mais il est difficile de savoir où tout cela finira par mener. En outre, cela n’influencera pas seulement votre propre modèle commercial, mais aussi celui de vos clients. Je crains qu’il faille, à un certain moment, opter pour une certaine technologie. Parallèlement, vos clients devront aussi incorporer un certain nombre de nouvelles technologies, et peut-être pas toujours les mêmes. En tant que gestionnaire d’actifs, vous devrez tout de même continuer à répondre aux besoins de tous vos clients. Aussi, les entrepreneurs qui permettront une telle flexibilité parmi les nouvelles technologies seront ceux qui excelleront au niveau mondial. »