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Karel Van Eetvelt : ‘nous devons faire preuve de transparence sur nos coûts’

Karel Van Eetvelt

À l’heure de la numérisation et de la lourdeur de la réglementation, les institutions financières devront se montrer encore plus collaboratives. Les banques doivent aussi adopter une position claire en faveur du service à la clientèle et dénoncer les mesures politiques irréalisables.

Ce sont les propos qu’a tenu le CEO de Febelfin, Karel van Eetvelt, lors d’un entretien avec Investment Officer. ‘Ce sont les économies locales européennes qui sont coincées par le RGPD. Les acteurs par qui cela a commencé, y ont en partie échappé.’

Après sept mois passés à la tête de la fédération belge du secteur financier Febelfin, Karel Van Eetvelt regarde avec admiration tous ces acteurs du secteur qui s’activent ‘à contrôler minutieusement les derniers points de détail à encore faire surface’. Ce n’est pas un secret : l’ancien patron d’Unizo émet des objections fondamentales sur la façon dont les banques doivent implémenter la nouvelle réglementation :

‘À mes yeux, la Commission européenne est loin de la réalité. Elle ne s’attarde pas assez sur l’impact d’une réglementation profonde sur sa propre économie. Le règlement RGPD, par exemple, a été conçu pour combattre les Googles et Facebooks de ce monde. Dans la pratique, nous observons qu’ils sont en mesure d’appliquer la législation de manière relativement simple, tandis que le RGPD a un impact bien plus considérable sur les acteurs locaux.’

La menace d’une concurrence inégale

Et cependant, de l’avis de Karel van Eetvelt, les banques gèrent les nouvelles règles en matière de protection de la vie privé avec « beaucoup de bon sens ».  ‘Je n’ai encore entendu aucune banque exprimer l’ambition de soudainement divulguer des données. Que les nouvelles lois permettent de renforcer la confiance des consommateurs est de bon ton, mais le législateur se doit aussi de protéger le consommateur contre de futurs risques. Et là, je ne suis pas tout à fait tranquille.’

Karel Van Eetvelt vise les acteurs non-bancaires qui à l’aide des nouvelles technologies, trépignent pour empiéter sur le marché des services financiers. Par le passé, l’Europe n’a pas toujours eu la réaction adéquate face aux services disruptifs et il en résulte des risques supplémentaires pour le consommateur et une concurrence inégale avec les secteurs traditionnels, estime-t-il.

‘Ne vous méprenez pas sur mes propos, la disruption est nécessaire. Elle nourrit l’innovation et nous tient alertes. Mais des règles du jeu différentes pour les nouveaux venus sur le marché « dans le but de faciliter leur accès » menacent de générer de nouveaux risques pour le consommateur. Notre devise reste la suivante : les mêmes services relèvent des mêmes règles et du même contrôle. Si les règles actuelles sont trop rigides pour les nouveaux acteurs, c’est à cette rigidité qu’il faut s’attaquer. Il n’est pas encore clair à mes yeux que l’Europe partage cette vision.’

Marges sous pression

Que la réglementation n’ait pas toujours l’effet visé, nous apparaît clairement à l’heure où le secteur est en train d’implémenter la directive Mifid II. Les rumeurs ne cessent d’enfler d’après lesquels la réglementation profonde privilégie les grands acteurs et va de ce fait forcer un mouvement de concentration. Selon Karel Van Eetvelt, cela reste encore à voir mais on ne peut pas dire qu’il soit vraiment inquiet :

‘Pour ce qui est de l’implémentation de la directive Mifid II, nous courons en tête en Belgique. Nous pouvons en être fiers. Il va de soi que les petites parties doivent bien sous-peser leurs investissements, mais elles déploient de beaux efforts. En même temps, il est vrai que nous ne pouvons pas continuer à consentir des investissements à coup de milliards  là où il n’y a pas de business. Il va bien falloir payer l’addition et sauf votre respect, au final  ce sera le client qui la réglera.’

Et faire payer le client pour des services financiers bien spécifiques n’est pas une sinécure. Même si en Belgique, les frais pour les transactions bancaires de base figurent parmi les plus bas en Europe, des bruits de cafouillage s’élèvent à nouveau en provenance des fractions politiques à propos des prix que les banques demandent pour leurs services. À tort, estime Karel van Eetvelt. Selon lui, beaucoup de services de base ne s’autofinancent pas, ce qui explique la nécessité de puiser plus de marges sur d’autres services.

‘Le gouvernement a parfois deux visages. D’un côté, il veut des services (trop) peu onéreux pour le consommateur. Et de l’autre, il exige au travers de l’organe de contrôle que nous atteignons un ROE (NDT : Return on Equity) situé entre 8 et 12 %. Allier les deux est particulièrement complexe, voire même impossible pour de nombreuses banques. À moyen et long terme, cette approche est une source de danger.’

Plus d’efficacité et plus de collaboration

Karel Van Eetvelt pointe le taux bas, la hausse des coûts et la lourdeur des investissements dans la numérisation. D’après lui, si le client est informé en toute transparence des frais que lui facture la banque – une condition que stipule aussi la directive Mifid II – cela ne fera que renforcer la confiance du consommateur dans son banquier. Maintenant que du côté des investissements, les marges sont elles aussi sous pression en raison de la règlementation et des règles plus strictes en termes de transparence des coûts auprès des banques, les institutions financières vont devoir trouver des solutions en faisant preuve d’une plus grande efficacité, ce qui revient à intensifier la collaboration, explique-t-il.

‘Nous devons être extrêmement transparents sur nos coûts. Et pour garder le contrôle sur tous les coûts qui ne rapportent pas de nouveaux business, il faut travailler encore plus efficacement. Dans ce contexte, je peux déjà citer de beaux exemples. Ainsi, les banques, qui développent à titre individuel de nouvelles applications numériques pour pouvoir se servir de la technologie blockchain, convergent de plus en plus les unes vers les autres à un stade ultérieur du processus. C’est la voie que nous devons emprunter.’

Service à la clientèle

Si le secteur veut endiguer une dérive réglementaire ultérieure et se trouver face à un client prêt à sortir son portemonnaie pour des services bancaires, il doit davantage recourir au service à la clientèle, estime le CEO. Le modèle commercial actuel qui contraint le client à aller d’une banque à l’autre pour un prêt plus avantageux, a pour effet que le secteur ne parvient pas à se libérer de son image affligeante.

Karel Van Eetvelt poursuit : ‘Si, en tant que consommateur, vous demandez un crédit à votre propre banque, vous devez souvent attendre longtemps pour obtenir une proposition et vous ne recevez pas directement les conditions les plus concurrentielles. C’est ce qui explique que monsieur-tout-le-monde ne fait pas confiance aux banquiers. Ce genre de pratiques ternit l’image et ouvre la voie à des règles strictes. En tant que secteur, nous devons  oser changer notre fusil d’épaule dans ce domaine.’