Si le spectre d’une hausse des taux aux États-Unis ne tempère pas l’optimisme de Michael Hasenstab vis-à-vis de la dette émergente, l’investisseur se montre en revanche plus circonspect vis-à-vis de son pays d’origine. En outre, la déréglementation agressive menée par l’administration Trump joue contre la politique ESG américaine, et d’autres pays moins exposés affichent en la matière des résultats bien meilleurs.
Découvrez aujourd’hui la deuxième partie de l’entretien avec Michael Hasenstab.
Des positions courtes essentiellement
Au vu de sa valorisation attrayante et de sa grande liquidité, Michael Hasenstab privilégie la dette émergente en devises locales. La hausse des taux américains n’offre selon lui pas de raison de tempérer l’optimisme vis-à-vis de la dette émergente. Plusieurs pays de croissance affichent des rendements plus élevés capables d’absorber la hausse des taux aux États-Unis. Le risque de change résultant de l’appréciation du dollar est couvert par des positions courtes sur le yen et l’euro.
Pour le gérant obligataire, les positions courtes ne visent pas à augmenter le risque, mais bien à réduire les effets de change ; elles font partie intégrante de son positionnement stratégique. Son portefeuille comporte actuellement des positions courtes sur les titres du Trésor américain (25 %), sur l’euro (30 %) et sur le yen (30 %), ainsi que des positions longues sur les marchés émergents.
La bulle américaine
Le point de vue négatif de Michael Hasenstab vis-à-vis des États-Unis en dit long sur sa vision de son pays d’origine. Avec 20 % du marché, la Fed était le plus grand acheteur d’obligations américaines. Elle a toutefois mis un terme à ses achats et réduit son exposition aux titres du Trésor. Les acheteurs étrangers de dette américaine ont également réduit leurs achats, alors que le besoin de financement reste élevé. En outre, les impulsions de croissance actuelles causées par la déréglementation agressive favorisent l’inflation.
Une bulle est donc en train de se former sur le marché de la dette souveraine américaine, selon Michael Hasenstab. Anticipant une hausse des taux des titres du Trésor américain, il a adopté un positionnement négatif à l’aide de swaps de taux. « La Fed, le plus grand acheteur, se retire du marché. Les Chinois ont réduit leurs réserves et les pays exportateurs de pétrole ont de nombreuses questions internes à résoudre. Le marché américain doit absorber trois fois plus de volume pour compenser cette baisse de demande de titres du Trésor américain. Cela me paraît une hypothèse pour le moins osée. »
ESG 2.0
Michael Hasenstab indique qu’une vision claire sur les critères ESG est aujourd’hui une condition essentielle pour garantir la croissance économique. Son équipe de recherche a développé un système de notation (TGM-ESGI) qui mesure les valeurs et prend en compte les conditions actuelles et prévues en matière de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Le score TGM-ESGI des États-Unis devrait s’inscrire en baisse. Les pays scandinaves affichent actuellement des scores TGM-ESGI élevés, mais ces derniers, au vu de leur haut niveau, ne devraient pas beaucoup évoluer. Michael Hasenstab investit de préférence dans des pays dont le score ESG devrait connaître une forte hausse au cours des deux à trois années à venir. C’est là en effet qu’il voit la plus grande valeur pour son investissement, et la meilleure application de l’analyse ESG.
Explication : « La plupart des études ESG sont rétrospectives et ne prennent en compte que les critères actuels. Bien sûr, le Danemark se classe parmi les pays les plus durables, mais qu’est-ce que cela nous indique ? Que c’est un pays riche. Les pays qui affichent actuellement un score assez élevé offrent également un rendement bas. En s’y cantonnant, les investisseurs manquent de bien meilleures opportunités dans des pays qui s’efforcent d’améliorer leurs facteurs ESG. En outre, en excluant ces pays de nos investissements, nous les condamnons également à jouer un rôle de second plan. Je pense que les pays qui sont prêts à mettre en œuvre des améliorations méritent qu’on leur donne une chance de s’extraire de la pauvreté. »
Découvrez ici la première partie de l’entretien avec Michael Hasenstab :