Investissement

Nagelmackers : banques centrales : ‘La casa de papel’, nouvelle saison

Quelle différence en un an ! Il y a douze mois, le débat était axé sur la manière dont les banques centrales devaient gérer le processus de règlement de leurs programmes d’assouplissement quantitatif (QE), explique Olivier Colsoul, Senior Economist à la banque Nagelmackers. 

L’incertitude causée par les conflits commerciaux et le ralentissement de l’économie mondiale a amené une dizaine de banques centrales à réduire les taux d’intérêt au cours ces derniers mois en vue de tenter de stimuler la croissance et l’inflation. Aujourd’hui, on se demande même si l’assouplissement quantitatif devra être réactivé dans un avenir proche. Il y a quelques années encore, les taux d’intérêt nominaux négatifs étaient considérés comme impossibles en raison de la limite inférieure de zéro. Mais ces derniers jours, l’ancien président de la Fed, Alan Greenspan, a déclaré que rien n’empêchait les États-Unis d’être entraînés par la tendance mondiale des taux d’intérêt négatifs, ajoutant que le taux d’intérêt zéro n’a aucune signification au-delà d’un certain niveau. Pour sa part, Olli Rehn, membre du Conseil des gouverneurs de la BCE, a souligné la nécessité d’un important programme d’assouplissement en septembre.

Retard

Colsoul : « En cas de nouveau ralentissement économique important, les banques centrales des économies les plus avancées ne seront pas en mesure d’adopter une politique conventionnelle comme par le passé. Le cycle d’assouplissement moyen depuis 1980 est d’environ 350 points de base, mais le taux d’intérêt de base moyen actuel du G7 n’est que de 0,7 %. En conséquence, et surtout en période de ralentissement plus profond, des mesures politiques non conventionnelles telles que l’assouplissement quantitatif et les taux d’intérêt négatifs seront nécessaires. Mais les décideurs politiques ne sont peut-être pas prêts à faire baisser les taux de manière significative en dessous de zéro, car les avantages des taux d’intérêt bas (baisse des coûts de financement, affaiblissement de la devise) peuvent être limités ou contre-productifs (marge de prêt plus élevée, fuite des dépôts, dommages à l’épargne-pension). »

Au lieu ou en plus des taux d’intérêt négatifs, les banques centrales peuvent recourir à l’assouplissement quantitatif pour stimuler la croissance et l’inflation. Bien que les mérites de l’assouplissement quantitatif aient été critiqués, il s’agit certainement d’un soutien à la viabilité de la dette publique. Pour faire face à un cycle moyen d’assouplissement monétaire, les banques centrales doivent acheter des actifs représentant 20 % du PIB (source : Oxford Economics). Cependant, des rendements sans risque déjà faibles et des valorisations d’actifs élevées signifient que l’assouplissement quantitatif sera probablement moins efficace que par le passé. Plus un ralentissement économique mondial est profond, plus l’assouplissement quantitatif peut être diversifié et radical. Parmi les options, citons l’achat d’obligations d’entreprises, les prêts bancaires et les actions, les interventions de change, les infrastructures et autres dépenses fiscales.

Étapes risquées

Colsoul : « Bien que de nombreux gouvernements n’aient pas vraiment suivi la voie des mesures de relance budgétaire et fiscale, les choses pourraient changer à l’avenir, car de plus en plus de voix prônent des mesures plus audacieuses en ce sens. La question est évidemment de savoir si l’efficacité de la politique budgétaire associée à l’assouplissement monétaire portera ses fruits. En outre, plus les options des banques centrales sont extrêmes, plus il devient difficile de quitter l’assouplissement quantitatif, ce qui réduira également l’indépendance de la banque centrale. L’extension implicite des prérogatives des banques centrales devrait conduire à une plus grande coordination entre les politiques financières, budgétaires et monétaires, ce qui éroderait progressivement leur indépendance. »

Conclusion 

Comme le dit Colsoul : « Les banques centrales ne disposent pas d’une baguette magique pour réparer les dégâts causés à l’économie mondiale. Mais comme les marchés financiers estiment que davantage de mesures d’accommodement sont justifiées dans le contexte du ralentissement actuel et qu’ils préfèrent trop de mesures de relance plutôt que trop peu, plus les banques centrales attendent pour négocier, plus elles risquent de le faire de manière agressive dans le futur (voir la Fed sous la pression des marchés obligataires et du président américain). Nous devrons nous habituer à cette nouvelle ‘normalité’ : de moins en moins de banques centrales indépendantes, des taux d’intérêt (plus) bas et un assouplissement quantitatif (plus) faible. La planche à billets est donc prête à tourner. Si, aux yeux de certains, les banques centrales ressemblent aux gangsters des temps modernes, elles sont probablement de gentils gangsters. Parce que sans elles, la situation serait pire… »