Secteur

René Havaux, CEO de Delen Private Bank : « Mon propre patrimoine est investi dans nos fonds patrimoniaux »

Le modèle de Delen Private Bank , qui repose sur une recherche approfondie de l’efficacité et de la conscience des coûts et se traduit par une gamme de fonds de profil claire, a fait ses preuves. Et les clients peuvent parfois supporter moins de risques qu’ils ne le pensent. 

Voici quelques extraits d’un entretien exclusif que René Havaux (photo), le CEO de Delen Private Bank , a accordé à Investment Officer. Le banquier, qui compte plus de 35 ans d’expérience, nous a confié qu’il avait « vécu une année extrême. Je n’avais pratiquement jamais vu cela pendant toutes ces années. C’est une nouvelle confirmation du fait que le market timing ne fonctionne absolument pas. Combien de personnes ne pensaient pas qu’elles   pourraient entrer à des cours plus bas pendant l’été, après avoir tout vendu lors de la correction du printemps ? La part du lion des rendements est réalisée en quelques jours de l’année. Heureusement, jusqu’à 99 % de nos clients sont restés investis. C’est également dû aux efforts de nos chargés de relations, mais ce n’est possible que s’ils sont investis selon le bon profil de risque.

Après de bonnes années boursières, on reçoit un nombre remarquablement élevé de nouveaux clients investisseurs plus dynamiques. Mais il faut tout de même faire un peu attention. Je me souviens d’un client de quatre-vingts ans qui a subi une perte de 50 % sur son portefeuille en 2008. Il avait beaucoup de connaissances et gérait tout lui-même - et jusqu’à ce moment-là, avec un bon résultat. Mais il a eu peur de perdre son niveau de vie et il a tout vendu. Ce qui s’est avéré être une grossière erreur. En fait, il était trop investi en actions par rapport à sa capacité de résilience. J’en ai tiré un grand enseignement. »

Performance

Havaux est satisfait des rendements. « Notre portefeuille d’actions se situe aujourd’hui (17 novembre) à +7,4 % depuis le début de l’année. Un portefeuille moyen et équilibré (avec environ 50 % d’actions) se situe à +3,8 %. Nous le devons à la surpondération de la technologie, à la sous-pondération des banques et à la surpondération des énergies renouvelables. Nous avons 250 entreprises dans le volet actions et 500 lignes différentes dans le volet obligations. Nous mettons expressément l’accent sur les thèmes d’investissement orientés vers l’avenir, mais sommes très prudents avec les ‘convictions’ concernant les entreprises individuelles. Une leçon que les Belges ont apprise en 2008. »

Êtes-vous convaincu de l’utilité des fonds patrimoniaux ?

Havaux : « Absolument. Nous en sommes de plus en plus convaincus. Nous nous efforçons d’être efficaces et conscients des coûts. C’est un excellent moyen d’appliquer certaines convictions et de les rendre accessibles au client. Ce client peut entrer et sortir, mais aussi passer à un autre profil d’investissement, et cela sans frais. Cette efficacité est aujourd’hui plus que jamais nécessaire  , car les réglementations nous poussent vers plus de flexibilité. Les services et la gestion deviennent de plus en plus complexes. L’année prochaine, il y aura par exemple une directive en matière d’établissement de rapports concernant le ‘Green Deal’ européen, et nous demanderons à nos clients quelle importance ils accordent à la durabilité. La simplicité est donc une solution, compte tenu des questions réglementaires de plus en plus complexes. »

Comment se déroule l’intégration des récentes acquisitions ?

Havaux : « Très facilement. Chez Delen Private Bank, nous avons d’ailleurs une très bonne équipe IT qui assure une intégration rapide et transparente. L’acquisition de Nobel Vermogensbeheer aux Pays-Bas s’est déroulée sans problème. Les clients ont été transférés et investissent dans les fonds. Bart Tishauer a accompli un parcours sans faute avec Nobel, ce dont je le félicite. 

Nous aimerions d’ailleurs faire de nouvelles acquisitions, mais uniquement si nous trouvons  des acteurs ayant la même conviction que nous  . Plus on s’en écarte, plus c’est difficile. Il faut acquérir des acteurs   qui regardent dans la même direction. Travailler avec des Néerlandais est d’ailleurs une bénédiction : ils sont ouverts et directs et savent ce qu’ils veulent. L’Angleterre a été plus difficile, notamment à cause d’une différence de fiscalité des fonds. Le Luxembourg a également été un peu plus difficile, aussi en raison de l’aspect fiscal. Il faut toujours prouver l’origine des capitaux. En fait, vous devez acheter un acteur luxembourgeois avec des clients luxembourgeois. Il n’y en a pas tant que ça, et cela demande du travail par rapport aux normes ALM et KYC. »

Delen représente une certaine industrialisation. Comment voyez-vous cela ?

« À mon avis, c’est une recherche d’efficacité. Dites-moi en quoi la gestion sur mesure pour 30 000 clients, avec 30 000 portefeuilles différents, est préférable ? Je n’en sais rien. Qui va vérifier cela tous les jours ? Il faut alors répercuter le coût effectif, qui est très élevé. Je ne comprends pas pourquoi il y a une réticence à la gestion centralisée. Vous pouvez appliquer vos convictions directement et mettre des accents différents si nécessaire. J’ai d’ailleurs investi tous mes capitaux propres dans ces fonds. C’est suffisamment éloquent, non ? I eat my own cooking. D’ailleurs, à dix ans, les rendements des fonds sont meilleurs que ceux des lignes individuelles. Avec un nombre plus restreint d’entreprises individuelles dans le portefeuille, un accident est vite arrivé. »

« Le travail sur mesure est par contre approprié dans la planification et la structuration patrimoniales. Grâce à une bonne planification, vous pouvez faire économiser au client le taux d’imposition le plus élevé sur les successions, qui est de 27 %. Dans le passé, lorsque les taux d’intérêt étaient de 13 %, vous l’aviez récupéré en deux ans. Maintenant, c’est une autre histoire. D’ailleurs, nous procédons à une forte digitalisation afin que le client ait toujours tous les documents à portée de main, comme les contrats de mariage, les actes notariés et les extraits de compte. C’est extrêmement important, car il n’est pas rare que le fisc les demande en cas de décès. C’est également le cas pour les achats de biens immobiliers pour lesquels la nue-propriété et l’usufruit sont séparés. Les personnes âgées qui n’ont plus ces documents datant de plusieurs décennies se sentent alors perdues. Cependant, nous pouvons travailler en étroite collaboration avec le notaire et présenter tous les documents directement. »

Qu’est-ce qui vous distingue des autres banques privées en 2020 ?

Havaux : « Nous avons appelé tous les clients depuis le mois de mars. En un mois et demi, ils ont tous eu un contact avec leur chargé de relations. Nous les avons surtout rassurés et nous leur avons demandé de ne pas vendre dans la panique. Bien sûr, la pratique quotidienne a changé : pas d’événements ni de visites, mais nous avons fait beaucoup de webinaires personnels à petite échelle et les entrées de capitaux  sont restées au même niveau. La satisfaction des clients reste largement liée aux contacts personnels. 

Nous voulons aussi que les clients sachent exactement ce qu’il y a dans leur portefeuille. Il y a vingt ans, lors d’un entretien classique, on parlait de ce qui avait été acheté et vendu. Mais parfois, les clients ressortaient sans savoir combien d’actions se trouvaient dans leur portefeuille ! Maintenant, ce n’est vraiment plus possible. Je rappelle aux gestionnaires qu’ils doivent travailler comme un family office. Cela nécessite un certain changement de mentalité, mais c’est essentiel. D’ici l’année prochaine, Delen Family Services prendra encore plus d’importance. Cela doit devenir l’activité principale de chaque gestionnaire et liera le client à la banque. C’est un travail titanesque, mais qui en vaut vraiment la peine à long terme. 

Quel rôle joue la durabilité au sein de Delen Private Bank  ?

Havaux : « Nous travaillons de manière très cohérente. Tout d’abord, notre politique d’investissement responsable s’applique à tous les capitaux. Vous ne pouvez pas aller voir le client avec un seul fonds très vert qui représente 5 % des actifs, alors que les 95 % restants ne seraient pas durables. Ce n’est pas crédible. Tous nos fonds de profil répondent donc à des critères de durabilité stricts. Premièrement, nous éliminons les activités controversées ou non durables, telles que les armes et le tabac. Deuxièmement, sur la base des données fournies par l’agence de recherche Sustainalytics, nous intégrons des paramètres ESG (Environnement, Social et Gouvernance). Troisièmement, nous dialoguons avec des entreprises par l’intermédiaire du spécialiste Hermes EOS. Cela nous donne également l’input nécessaire pour exercer nos droits de vote. Nous avons ainsi un impact positif sur la politique de durabilité des entreprises dans lesquelles nous investissons. C’est une approche pragmatique, avec laquelle nous investissons 24 milliards d’actifs de manière durable. »

Enfin, comment envisagez-vous l’avenir ?

« Bien sûr, nous nous en tenons à notre modèle d’entreprise. Les taux d’intérêt vont rester très bas, et le plus grand risque est désormais lié aux liquidités. Aujourd’hui, l’inflation est faible, mais cela pourrait changer un jour. Les gens surestiment parfois leur propre profil de risque et pensent qu’ils sont très dynamiques. Nous avons un rôle à jouer à cet égard. Les obligations ne rapportent rien, mais elles sont le plomb dans la quille du voilier. Elles ont redressé le bateau au bon moment. L’année prochaine, il y aura bien sûr aussi la nouvelle taxe sur les comptes-titres. Nous allons à nouveau devoir organiser cela au niveau pratique.

Nous voulons continuer à nous développer avec les clients qui partagent notre approche.  Ce n’est pas le rendement le plus élevé qui compte, mais la réalisation des objectifs à long terme sans égratignure.