Hans Dieperink
Chronique
Opinion

Un portefeuille d'actions et d'obligations

Au cours de ce siècle, les investisseurs ont bénéficié d’une corrélation négative entre les actions et les obligations. Cela a permis de réduire le risque d’un portefeuille mixte et de limiter les pertes, jusqu’à ce que les taux d’intérêt atteignent zéro, bien sûr. À ce moment-là, les obligations sont soudain devenues une catégorie d’actifs exclusivement à risque, mais sans rendement. En conséquence, la corrélation a grimpé en flèche, surtout en 2022.

Entre-temps, les taux d’intérêt ont fortement augmenté, peut-être même tellement qu’on se demande si nous nous trouvons actuellement dans une période de corrélation positive ou négative entre les actions et les obligations. Cela a des conséquences sur le ratio risque/rendement d’un portefeuille neutre. Cette corrélation dépend de plusieurs facteurs, ce qui ne facilite pas la détermination du régime dans lequel nous nous trouvons.

Corrélations non stables

Les corrélations ne sont pas stables. Chacun sait qu’en période de stress important sur les marchés financiers, les corrélations commencent à augmenter, ce qui est dû au phénomène de compensation des pertes dans les portefeuilles par la vente d’investissements ayant moins fortement baissé. Par ailleurs, différents facteurs influencent la corrélation entre les actions et les obligations.

Normalement, si l’on fait abstraction de ce qui est normal dans le monde financier, la corrélation devrait être positive. En effet, la valeur des actions et des obligations est égale à la valeur actualisée des flux de trésorerie futurs. Les obligations paient généralement un coupon fixe et les actionnaires reçoivent chaque année un dividende qui augmente avec le temps.

Taux d’intérêt réel et inflation

La variable de valorisation la plus importante est le niveau du taux d’intérêt réel, car une différence importante entre les actions et les obligations réside dans leur sensibilité à l’inflation. Pour les obligations, l’inflation est le principal ennemi, car les flux de trésorerie futurs sont immobilisés. Les actions ont récemment montré qu’elles sont parfaitement capables de répercuter la hausse des prix.

Le taux d’intérêt réel a été tout sauf constant ces derniers temps. Il a même été négatif pendant une longue période après la Grande crise financière, pour s’envoler récemment vers un taux réel nettement positif. Cela affecte donc aussi bien les actions que les obligations. Bien entendu, l’inflation n’est pas exclusivement positive pour les actions. Si les entreprises ont récemment pu répercuter facilement la hausse des prix, elles se retrouvent également confrontées à des coûts d’intrants plus élevés, ce qui peut exercer une pression sur les marges.

De plus, il existe une corrélation claire entre l’inflation et le taux d’intérêt. Un taux d’intérêt plus élevé a bien sûr une incidence sur le facteur d’actualisation, tant pour les actions que pour les obligations. Cet effet d’actualisation pèse relativement lourd, surtout lorsque l’inflation dépasse structurellement 3 %.

Prime de risque sur les actions versus prime de terme

L’évolution de la prime de risque est une autre variable qui influence la corrélation entre les actions et les obligations. La théorie veut que les actions soient une classe d’actifs relativement risquée et fortement corrélée au cycle économique, c’est pourquoi les investisseurs demandent une rémunération pour ce risque sous la forme d’une prime de risque sur les actions.

La prime de risque sur les obligations est beaucoup plus liée à l’horizon d’investissement. À court terme, il n’y a bien souvent pratiquement pas de prime de risque, mais à plus long terme, il y a ce que l’on appelle une prime de terme. La prime de risque sur les actions et la prime de terme sur les obligations sont généralement corrélées négativement, notamment parce que les obligations sont souvent considérées comme une valeur refuge au sein d’un portefeuille. Cette corrélation est fortement négative, en particulier en période ‘risk-on/risk-off’. Ce n’est qu’en période de stagflation que les investisseurs ont tendance à délaisser à la fois les actions et les obligations. Cependant, le dilemme supplémentaire est qu’en raison de la hausse des taux d’intérêt, les obligations sont désormais considérées comme presque plus risquées que les actions.

La politique monétaire a également une influence sur la corrélation entre les actions et les obligations. Tant que la politique monétaire est procyclique, la corrélation est positive, mais lorsque la politique monétaire est anticyclique, la corrélation est négative. Étant donné que les changements de politique monétaire se produisent de manière progressive, un changement dans la corrélation n’est visible qu’à long terme. Elle dépend également du type de banque centrale. La Fed et la BCE sont par exemple davantage en faveur des actionnaires car elles mènent une politique beaucoup plus axée sur la croissance, tandis que la Bundesbank et la Banque populaire de Chine favorisent davantage les détenteurs d’obligations. Ces deux banques veulent éviter l’inflation à tout prix. Le fait que la politique monétaire soit basée sur des règles (comme la règle de Taylor), ce qui entraîne une corrélation positive, ou qu’elle soit définie de manière plus discrétionnaire, joue également un rôle important. Dans ce dernier cas, une corrélation négative est souvent observée.

Effets sur le portefeuille

Une corrélation positive entre les actions et les obligations entraîne des variations de cours plus importantes qu’une corrélation négative. En raison des variations plus importantes en cas de corrélation positive, les extrêmes et les pertes sont plus importants. En raison de l’effet de diversification limité, la valeur ajoutée d’une position en obligations est moins importante, de sorte qu’on peut investir relativement parlant davantage en actions.

Ce qui est étrange, c’est qu’en se concentrant sur la volatilité, les investisseurs font précisément le contraire et investissent davantage en obligations. Une corrélation négative offre un plus grand ‘free lunch’, car les risques sur le marché d’actions sont alors en partie compensés par un rendement supplémentaire sur le marché obligataire. Il est possible que les investisseurs profitent d’abord de ce ‘free lunch’ l’année prochaine en raison d’une récession, mais ensuite, tout semble indiquer un régime de corrélation positive entre les actions et les obligations.