
Les actifs privés jouent depuis longtemps un rôle de choix dans les portefeuilles institutionnels et les family offices. Cette classe d’actifs devient désormais de plus en plus accessible aux investisseurs privés, notamment grâce aux innovations en matière de réglementation et de technologie. Toutefois, la demande croissante d’investissements privés soulève la question suivante : pourquoi les actifs privés devraient-ils faire partie intégrante des portefeuilles de gestion de patrimoine ? Jack Wasserman, de Schroders Greencoat, passe en revue les avantages - et les risques - de l’allocation d’actifs privés.
La ligne de démarcation entre les marchés privés et publics s’estompe. De nouvelles structures, des évolutions réglementaires et des avancées technologiques – telles que la tokenisation et les plateformes en ligne – rendent l’investissement privé accessible à un groupe plus large d’investisseurs. D’ici 2032, Bain & Company prévoit qu’environ 30 % des actifs mondiaux sous gestion seront des investissements alternatifs, dont une part importante sera constituée d’actifs privés. La récente enquête de J.P. Morgan sur les family offices montre que ces derniers allouent en moyenne 45 % de leur portefeuille à des actifs privés.
Cet accès élargi s’accompagne également de la nécessité d’une meilleure information quant au fonctionnement et aux risques des marchés privés. Les investissements privés jouant désormais un rôle de plus en plus important, les investisseurs doivent comprendre comment les utiliser efficacement dans leurs portefeuilles.
L’attractivité des actifs privés
Les marchés privés donnent accès à un large éventail d’opportunités d’investissement qui ne sont pas disponibles sur les marchés publics. Aux États-Unis, par exemple, environ 90 % des entreprises sont privées, ce qui procure aux investisseurs des opportunités dans des secteurs comme la santé, le financement de l’IA et la transition énergétique.
Les quatre grandes catégories d’actifs privés – capital-investissement, crédit privé, immobilier et infrastructures – ont chacune leurs propres caractéristiques, risques et profils de rendement. Le capital-investissement a historiquement produit des rendements plus élevés que les actions cotées en bourse, tandis que le crédit privé offre des flux de revenus plus stables. L’immobilier et les infrastructures peuvent procurer à la fois des rendements élevés et une réduction des risques, et permettre d’accéder à des primes de risque difficiles à trouver sur les marchés publics, comme les risques liés aux prix de l’énergie.
L’un des principaux défis des actifs privés réside toutefois dans leur liquidité. Ces actifs étant négociés moins fréquemment que les titres cotés en bourse, les investisseurs doivent généralement les conserver plus longtemps. Cela requiert une vision à long terme et une bonne compréhension des spécificités de ces investissements.
Comment gérer la liquidité et les valorisations ?
La liquidité limitée et la complexité de la valorisation sont des préoccupations courantes à propos des actifs privés. Vu que de nombreux actifs privés ne sont pas fréquemment négociés, il peut s’avérer difficile de disposer rapidement du capital investi. Autrement dit, les investisseurs doivent réfléchir au rôle des actifs privés dans leur portefeuille global. En outre, la valorisation des actifs privés est moins transparente que celle des actions cotées en bourse. L’absence de prix de marché quotidiens complique l’évaluation de la valeur réelle d’un investissement, en particulier en période de volatilité du marché.
Pour maîtriser ces risques, les investisseurs doivent se concentrer sur un certain nombre de principes fondamentaux. L’ampleur de la position est importante ; alors que les family offices investissent en moyenne 45 % dans des actifs privés, le pourcentage pour les investisseurs privés se situe généralement entre 10 et 20 %. La diversification contribue à la répartition des risques et à la réduction de l’impact d’investissements individuels. Par ailleurs, il est primordial de procéder à une due diligence approfondie pour évaluer la qualité des fonds et des gestionnaires. La gestion des liquidités est également essentielle, en particulier dans les structures « evergreen », dans lesquelles la liquidité peut varier considérablement d’un fonds à l’autre.
Si la liquidité reste une préoccupation majeure, la valeur à long terme des actifs privés peut être intéressante. En outre, le risque de liquidité n’est pas propre aux actifs privés. Les 10 premières entreprises du S&P 500 représentent désormais près de 30 % de l’indice, tandis que les 10 premières entreprises du FTSE 100 en représentent près de 50 %. Cela souligne la nécessité de diversifier et d’ajouter des actifs privés à un portefeuille.
Les investisseurs privés arrivent-ils trop tard ?
Les investisseurs institutionnels investissent dans les actifs privés depuis des années, mais cela ne signifie pas que les investisseurs privés ont accumulé trop de retard. Il subsiste un déficit considérable en capital par rapport aux possibilités d’investissement disponibles. Cela procure aux investisseurs privés et institutionnels des moments attractifs pour acheter.
Les infrastructures, par exemple, sont un secteur à fort potentiel de croissance. Les besoins en capitaux pour l’expansion de l’IA et la transition énergétique dépassent ce que les autorités peuvent financer. En d’autres termes, les investisseurs privés joueront un rôle crucial.
L’influence des taux d’intérêt sur les actifs privés
Les taux d’intérêt ont un impact majeur sur la valorisation des actifs privés et le coût des capitaux étrangers. La hausse des taux d’intérêt peut faire baisser les valorisations du capital-investissement, mais les sociétés de capital-investissement peuvent adapter leurs stratégies en conséquence. Certains se concentrent sur les petites et moyennes entreprises, qui ont moins recours à l’endettement que les grandes acquisitions qui font souvent la une de l’actualité. Un environnement de taux d’intérêt stables ou en baisse serait favorable à ces investissements, mais il n’est pas nécessaire pour obtenir des rendements.
Évolution future des marchés privés
Le marché des actifs privés se développe à des rythmes différents selon les régions. Les grandes banques privées internationales sont déjà bien établies sur ce marché, mais dans certains pays, comme le Royaume-Uni, ce secteur n’en est qu’à ses débuts. Pourtant, la demande d’actifs privés gagne rapidement du terrain. On s’attend à ce que de nouvelles réglementations et structures d’investissement facilitent encore l’accessibilité.
Conclusion
Les actifs privés offrent des avantages significatifs, notamment des rendements plus élevés, une diversification et un flux de revenus plus stable. Grâce à de nouvelles structures d’investissement et à une acceptation plus large dans le cadre de la gestion de patrimoine, ces actifs deviennent de plus en plus accessibles aux investisseurs privés.
Si la liquidité et la valorisation demeurent des défis, une approche bien structurée peut contribuer à la maîtrise de ces risques. L’inclusion stratégique des actifs privés dans les portefeuilles permettra aux investisseurs de profiter des opportunités de croissance offertes par ce marché.
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